Le week-end du 27-28 Mars 2022 avait lieu un camp et une action contre l’implantation de mégabassines dans le cadre de la campagne d’action « Les Soulèvements de la Terre ». Particulièrement sensibles aux luttes paysannes et à la question de l’accaparement de l’eau, nous avons organisé un convoi exceptionnel pour rejoindre l’appel des soulèvements à la Rochénard depuis la maison bleue. Nous sommes parti.es à 8 colocs, certains plutôt aguerris aux actions de désobéissance civile et au déplacement collectif en manifestation, tandis que d’autres n’avaient qu’une expérience limitée dans ce type de contexte. Nous avons veillé à rester un groupe solidaire en prenant en compte les différentes approches, expériences et sensibilités au sein de la maison.

D’abord le départ. Pour se mettre en jambe, nous avons commencé à discuter de la problématique des mégabassines. Face aux conséquences déjà visibles du changement climatique que sont les sécheresses à répétition, les grands exploitants industriels n’hésitent pas à organiser un véritable apartheid sur l’eau consistant à construire d’immenses retenues, les mégabassines, qui pompent dans la nappe phréatique et privatise l’eau au profit d’une agriculture intensive et industrielle. C’est une solution qui est par ailleurs promu par le gouvernement et la FNSEA dont nous connaissons l’idéologie anti-social et anti-paysanne.

Nous avons donc commencé par écrire une petite chanson, sur le rythme de «l’ivrogne des mécanos » :

« Si vous voulez que je vive, faites moi servir de l’eau
Les mégabassines m’en privent, asséchant tous les ruissaux
Si vous voulez que je pousse, faites moi servir de l’eau,
Les grands exploitants s’enivrent, tout ça sur le dos des prolos
Si vous voulez que j’existe, faites moi servir de l’eau,
Sabotons tous leurs travaux, à bas les capitalistes ».

C’est l’heure de l’installation du camp. Après avoir réussi à ne pas se faire contrôler par la police du fait que leur réquisition de véhicules était passé (il était 19h15 et leur papier disait qu’il pouvait nous contrôler seulement jusqu’à 19h, toujours vérifier !), nous arrivons au stade de la Rochénard gracieusement accordé par la mairie pour organiser le camp contre les mégabassines. Après avoir posé nos tentes, nous partageons un repas des cantines à prix libres de nos camarades des soulèvements. Nous faisons de nombreuses rencontres avec paysan.nes et militant.es avant que ne commencent les concerts. C’est le moment pour nous de danser un bal traditionnel et renouer avec les traditions paysannes.

Le lendemain, nous nous préparons à l’action. Nous enfilons nos plus belles cagoules colorées et dessinons notre banderole. Les hélicoptères et les drones ne cessent de survoler le camp. Cest la seule réponse que le gouvernement nous propose. Le cortège démarre sous le cagnard, un 27 mars. Nous sentons dans nos corps l’effet du changement climatique et manifestons justement contre les stratégies d’adaptation cyniques de la part de l’agrobusiness. Leur modèle ne va que renforcer les inégalités d’exposition aux effets du réchauffement planétaire, et nous ne laisserons pas faire. L’eau est un bien commun qui nous permet d’assurer notre subsistance collective et permet la vie sur terre, il faut donc défendre un usage commun et démocratique de l’eau plutôt que de laisser décider celles et ceux qui nous ont déjà conduit face à ce désastre.

Nous sommes des milliers à dévaler dans les champs, à chanter des slogans « Bassines ! Bah non » « Tout le monde déteste la police » « No Basaran ». Il y a des manifestants à perte de vue ! Ce n’est pas simple d’estimer le nombre que nous sommes. Après quelques dizaines de minutes de marche, nous bifurquons et des outils agricoles sont distribués. On nous explique que des canalisations d’irrigation sont enterrées sous nos pieds, et que ceux-ci dessinent les contours d’une mégabassine en projet. C’est l’efferverscence collective. Tout le monde creuse, se prête les outils, s’explique comment les utiliser – la terre se creuse, se creuse, et nous trouvons les canaux.

La police s’approche du cortège, mais de nombreux.ses manifestant.es les empêchent d’accéder jusqu’à nous. Des projectiles volent dans tous les sens, et le vent est avec nous. La police se gaze elle-même. Elle est ridicule, comme souvent. Nous parvenons à endommager une partie des canalisations et réussissons à nous regrouper plus moins, là où de nombreux tracteurs barrent la route et nous attendent.

Nous sommes épuisés, et des camarades avaient prévu le coup pour nous redonner des forces. On nous distribue des cookies vegan et des gâteaux, de l’eau, on nous propose de retourner doucement mais sûrement vers le camp, pour se protéger des forces du maintien de l’ordre bourgeois et écocidaire. Notre petit groupe est sain et sauf – terrifié, excité, satisfait, détendu, rassuré. On parvient à rentrer ensemble.
Séance de massage collectif pour se réparer le dos – repos aux abords des tentes. Puis viens le moment de célébrer. C’est alors la fête de cette magnifique mobilisation qui commence et ne finira qu’au petit matin. Tout le monde est fier en voyant que nous sommes si nombreux.ses à ne pas nous laisser faire. No Basaran. Le combat continue.