Janvier 2022, au cœur de l’hiver, les joyeux⋅es membres de la coloc s’affairent pour triturer de la boue, transbahuter de la terre, se contorsionnent avec des marteaux, suent les pieds dans la boue. Bref, on s’est lancé dans un chantier pour cloisonner un espace et construire une nouvelle chambre. Cette fois-ci, on expérimente le terre-paille.

Pourquoi une nouvelle chambre ? Ça faisait quelques mois qu’on accueillait des personnes en galère, mais à chaque fois c’était un peu précaire (sur un canap ou dans une chambre laissée temporairement vide). Autant dépanner une personne quelques jours comme ça, c’était encore jouable, mais quand l’accueil solidaire s’est mis en place de manière plus régulière, on voulait un espace qui tienne un peu plus la route, pour permettre aux personnes accueillies de se poser, de se sentir chez elles, d’avoir un peu d’intimité et un sentiment de sécurité.

On avait pas mal discuté d’accueil solidaire lors du Festibleu, mais passer de la théorie à la pratique demandait encore pas mal d’efforts. On voulait construire une chambre, mais comment ?

Les enjeux : dans le domaine de la construction, c’est un peu désolant mais très peu de matériaux sont écologiques. Globalement, tout ce qui est à base de plâtre ou de ciment (y compris les plaques de plâtre ou de Fermacell) pollue énormément : ce sont des techniques extractivistes (carrières), qui émettent du CO2 dans leur fabrication (il faut chauffer le minerai à haute température pour les fabriquer, en utilisant du pétrole ou du charbon), qui nécessitent une infrastructure importante pour être transporté (une bonne partie est produite hors de France) et qui enrichissent en général des multinationales. Bref, c’est pas top.

Du coup, pas question d’aller à Leroy Merlin trouver nos matériaux de construction, et ça tombait bien puisqu’on voulait aussi éviter d’acheter des matériaux neufs, et plutôt partir sur des matériaux récupérés ou de seconde main.

Dernier critère, on voulait que l’isolation phonique soit de qualité.

La solution retenue : une cloison en terre-paille banchée

Une cloison en terre-paille, c’est un mur fait d’un mélange de terre et de paille (et oui !). Plus on met de terre, plus la cloison est massive (donc elle isole bien phoniquement). On a construit la cloison sur une armature en bois, pour pouvoir avoir une cloison assez fine (peu de perte d’espace).

En plus, la construction en terre a pas mal d’autres avantages :

  • On utilise des matériaux qu’on peut trouver localement
  • La terre est un matériau respirant : elle absorbe l’humidité quand la pièce est trop humide et en relâche quand elle est trop chère.
  • C’est l’occasion de faire de chouettes chantiers collectifs !

Concrètement, la construction

Pour les outils, on en avait déjà pas mal à la maison, et pour ce qui nous manquait, on a emprunté à la Bricothèque de Bourg-la-Reine.

Pour les matériaux :

  • Armature en bois : un chantier d’à côté nous a donné de grandes palettes
  • Terre : une association qui a fait des travaux sur un terrain à Bagneux nous en a donné
  • Paille : on en a acheté à un fermier à quelques dizaines de km de la maison
  • Électricité : on a fait de la récup’ 🙂
  • Porte : on l’a trouvée sur donnons.org, et on l’a transportée dans le RER en heure de pointe, c’était magique 😉
  • Quincaillerie : un peu de neuf et pas mal de récup’ qu’on a faite au fil du temps
  • Isolant pour le plafond : de la laine de bois trouvée dans un placard
  • Parquet : on a trouvé du parquet flottant aux encombrants

Ensuite, le chantier s’est déroulé sur une petite semaine. À deux-trois on a d’abord monté en deux-trois jours l’ossature en bois. C’était l’étape vraiment délicate car il fallait mettre en place les protections pour les murs et la moquette (sisi).

Juste après, on a appelé à la rescousse tous les colocs sur un week-end, pour mélanger la paille à de l’eau et à de la terre. Dans un inénarrable moment illuminé de musique électro, on était trois à piétiner dans le froid, dans l’entrée de la maison, jusqu’à obtenir la bonne consistance. On montait ensuite le mélange au deuxième étage dans des seaux ou des cagettes.

Là-haut, une équipe de trois-quatre personnes tassait le mélange entre les planches de palettes banchées, jusqu’à atteindre le plafond. En un gros week-end (ça a débordé sur le lundi), on a réussi à finir le gros-œuvre.

Par la suite, on a refait un petit chantier pour poser la porte, installer l’électricité (déplacer un chauffage électrique et poser un luminaire+interrupteur), puis un faux-plafond isolé en laine de bois coffrée.

Les imprévus (en mal ou en bien)

La terre-paille est un matériau vivant, du coup les premiers jours on a vu une superbe moisissure blanche se développer sur les murs. Rien de toxique a priori, mais on a un peu chauffé pour aider à sécher (note pour nous-même : en janvier ça sèche moins vite). Ensuite, les graines dans la terre on germé, et on avait un mur végétal. C’était joli mais ça a fini par faner, et maintenant le mur a sa finition brute.

On fait pousser de l’herbe

Ensuite, on a réussi à ne pas ruiner la moquette, et ça c’était un challenge 🙂

Et on remercie toutes les personnes de passage qui sont venues nous filer un coup de main. Merci <3

Conclusion

Bon ben c’est possible de créer une chambre en terre-paille en quelques jours en intérieur. Ça prend plus de temps que de poser du placo (mais le placo c’est caca), et c’est bien mieux que le placo en termes d’isolation phonique.

Il nous reste encore à faire un enduit, pour ne plus avoir les lattes apparentes des palettes.